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« Christian Heinrich – Collages en huile »
Texte: Marlene Jochem, Theodor-Zink-Museum, Kaiserslautern, 2001 ► télécharger
Traduction: Sibylle Klingenberg, Bonn
Les collages en huile de Christian Heinrich se présentent d’abord comme des tableaux normaux et ne développent qu’après une certaine approche leur espace, le mouvement de leur surface en relief. Du papier à la cuve, de la toile ou du bois servent de fond pour le tableau sur lequel l’artiste met plusieurs couches de papiers différents qui se distinguent par l’épaisseur, la qualité du matériel, l’intensité et la cohérence de la surface: des papiers très fins de soie ou de riz, du parchemin diaphane, du papier à la cuve robuste et même du papier épais fait d’excréments des éléphants africains. Ces papiers faits main sont traités de diverses manières avant d’être appliqués au fond du tableau. Ils sont imprégnés d’huile ou de colle, ils sont soumis à des processus différents de séchage, de déchirement, de froissure ou de brûlure. Une couche de papier est superposée à l’autre et une espèce d’île ou de glèbe sort du fond du tableau.
Après le traitement du collage, c’est-à-dire de l’arrangement des différentes couches, celui des couleurs est repris. Elles sont étalées soit comme un enduit homogénéisant et résumant soit comme un coloris léger glaçant le relief ou comme une couche multiple qui reflète une composition indépendante en couleurs. Ensuite le dessus de la couleur est de nouveau traité: il est raclé, fendu, entamé, dégrossi ou poli. Des parties encore en état plastique sont rapprochées ou tendues jusqu’au déchirement.
A côté de cette dimension d’espace se forme une structure superficielle qui fait associer des actes d’incrustation, de congélation, de cicatrisation et qui suggère au sens du toucher quelque chose de souple, plastique, dur, cristallin, brut, humide ou gras. La structure superficielle renvoie aux processus de la genèse et de l’inconstance et implique la notion du temps.
Ce sont des couches apparemment informes et amorphes que Christian Heinrich transforme en composition très exacte et précise en attachant de l’importance aux plans et aux masses et aussi en jouant sur l’harmonie et le contraste des couleurs. L’horizontale représente la ligne calme du tableau; des blocs carrés et rectangulaires, des crénelures et des entrelacements forment les éléments solides et immobiles du tableau qui sont liés par leur contour dense. A côté il y a des biais qui déchirent en tant qu’éléments dynamiques le calme du tableau. De même il y a des formes fugitives se décomposant en matière informe et des masses éruptives se déployant d’un espace trop étroit comme une explosion.
Les travaux récents en grand format joignent le tableau construit par des blocs énormes à une multitude fascinante de couleur qui ne vit pas du contraste, mais de la concentration, de l’atmosphère et de l’intensification mutuelle. La marge immense de la tonalité en beige, brun et gris passe souvent à la couleur jaune claire et orange; il s’ajoute aux couleurs rouges allant du feu flambant jusqu’au pourpre mûr des tons violets et bleus montrant les nuances de l’aquarelle fine jusqu’à la teinte profonde du ciel nocturne.
Les complexes abstraits de forme et de couleur composent d’une manière figurative des paysages imaginaires éloignés de tout lieu concret. Ce sont les formations et les structures, l’apparence de la surface, leur coloris qui provoquent l’association des phénomènes naturels et morphologiques et qui suscitent des impressions ou l’efficacité des énergies élémentaires. Les titres que Heinrich donne à ses travaux font appel à la fantaisie associative des spectateurs, mais ils ne sont pas des données obligatoires. L’essentiel de sa création consiste dans le fait qu’il n’évoque pas l’imagée par des lignes, des formes, des couleurs ou des symboles. Au contraire il arrive à cet effet par l’utilisation des matériaux comme les papiers, la colle et la couleur en huile.
Exposition de Christian Heinrich, « Horizons » du 13 octobre au 11 novembre,
à la Galerie Ines Schulz, à Dresde
Texte: Adina Hähnel, Oktober 2006, Dresde ► télécharger
Traduction: Sibylle Klingenberg, Bonn
« En cours de route », poème de Sarah Kirsch
mon corps qui m’ accompagne me poursuit le long de ma vie d’ une ombre obscure comme un chien brûlant d’ envie d’ être autour de moi. Quelques mots écrits avec la craie sur le trottoir pendant la pluie.
Lui aussi il est en cours de route, notre artiste berlinois Christian Heinrich. Heureusement il n’ écrit pas ses mots avec la craie ni sur le trottoir, ni pendant la pluie. Heureusement il nous met ses mots sur la toile, sur du papier à la cuve, sur le bois. Il se sert des couleurs nuancées en brun et jaune, des traces de rouille, du noir dans différentes teintes et parfois il utilise des matériaux à base de sable. Christian Heinrich nous raconte ses voyages et il nous invite à l’ accompagner sur « des traces familières », sur « des voyages de rêve ». Il se souvient – et si nous le désirons, nous l’ accompagnons en tant que spectateurs vers le Colorado, à Manhattan, dans les montagnes, au bord de la mer, dans les grottes mystiques, vers les hallucinations. Nous ne sommes pas obligés de suivre ces indications, nous pouvons chercher nos propres chemins. Cela ne devient pourtant pas plus facile. Heinrich résiste au coup d’ œil superficiel. Celui qui veut le comprendre, le connaître au vrai sens du mot a besoin de prendre du temps. Le temps pour s’enfoncer dans un monde qui semble infini. Par quelle autre manière pourrait-on comprendre ce voyageur avec ces tableaux sans objet, qui ne renvoient à rien, sauf à eux-mêmes ? A leur beauté, à leur sérénité, à leur silence expressif.
Quel support Christian Heinrich nous présente-il ? Des secrets : de vieux murs, des lichens moussus, des craquelures et des fissures dans la terre sèche, des rochers crevassés et une lumière éblouissante, jaune, chaude – une atmosphère paralysante, poussiéreuse, surréelle qui se dépose sur les tableaux. Tout semble être délavé et est pourtant – de nouveau – très clair, avec une luminosité incroyable. En d’autres mots : l’art du collage par excellence. Du papier fait à la main dont la qualité et l’origine sont différentes ; il est imprégné d’huile, il est trempé de colle, déchiré, chiffonné, brûlé. Des couches de couleurs qui sont mises très soigneusement, mais elles sont aussi de nouveau travaillées, grattées, gravées, malmenées, lissées ou détendues jusqu’au déchirement. Ainsi s’établissent des espaces, des couches, une durée apparente. Si on ne le savait pas on pourrait supposer qu’on se trouve devant un champ de fouilles ; on voit vraiment les archéologues qui détachent couche par couche les sédiments, qui enlèvent la terre et arrachent péniblement les objets après avoir travaillé pendant des heures. La surface de ces collages semble être croûteuse, raide, couturée. On a envie de la toucher pour sentir si l’impression est trompeuse ou vraie. Ces reliefs, sont-ils mous, cristallins, rugueux, humides ou gras et s’ils ne le sont pas, comment sont-ils ?
Le Berlinois est un maître de la suggestion. Ses tableaux nous fascinent. Ils semblent distants, irréguliers, nuancés et pourtant d’une complexité effrayante. Regardez seulement la « Passion rouge ». Veuillez regardez de plus près et vous y entrez et vous vous perdez, votre regard se dilate. Et tout d’un coup vous vous trouvez au milieu d’un brasier, vous n’arriver pas à vous en tirer, et si vous osez vraiment pénétrer dans cette matière il n’y a pas de possibilité d’échapper, vous êtes brûlés par la chaleur.
On devrait absolument demander à Christian Heinrich pourquoi il s’expose à ce feu flamboyant, pourquoi il exige de nous tout cela. Le Berlinois, né en 1957, a fait des études d’histoire d’art, d’archéologie et de journalisme avant de se consacrer à l’art, c’est-à-dire aux études à l’Académie des Beaux Arts de Berlin. Etudiant chez le professeur Herbert Kaufmann il s’est intéressé très tôt pour les travaux interdisciplinaires. Il y a eu des projets de théâtre avec le dramaturge Heiner Müller. En outre il était professeur de décors de théâtre et a monté des pièces à l’Académie des Beaux Arts. A partir de 1987 on peut voir ses travaux à des expositions individuelles et en groupes. Les expositions mystérieuses des voyages de Christian Heinrich ont eu de grand succès auprès du public.
On comprend. Regardez seulement le « Night mirror » : du noir profond, du gris, du brun, de la couleur terreuse. Très distant. Et dangereux. Le noir très foncé. Dans ce fond les structures linéaires. D’une certaine manière tout est tenu par une main forte. En même temps tout est ouvert. Je vois le chevalier de la nuit, la visière en bas, le regard pourtant va vers le vide. Mais ensuite je vois aussi une suite de miroirs ou même des rues. Tout a l’air géométrique, bien réglé, en effet comme des rues bordées de maisons pareilles à celles de New York. Première, deuxième, troisième rue, New York – une ville née sur la planche à dessin et aussi un collage à l’huile sur toile. Ce n’est pas par hasard. Christian Heinrich était à New York en 1995. Là au Broadway il a découvert cette pile de papier, papier de soie fait à la main, papier de riz, du parchemin, papier produit par les excréments d’éléphant. C’est là qu’il a commencé avec ses collages en papier. Je voudrais bien vous présenter un autre travail. « Magic Cango Cave », un travail en bois de 2001. Cette grotte mystique se dérobe aussi à la vue fugitive, au dessin d’un pochoir. Ici les formations en ocre, en jaune, en noir et cuivré semblent fondre et se mélanger. Veuillez regarder exactement, vous pouvez vraiment voir les pierres humides. Et ce n’est pas tout. Vous voyez aussi la lumière, le paysage de l’Afrique du sud. Ce tableau est aussi tableau de voyage.
Le Berlinois Christian Heinrich : un voyageur, un chercheur, un enfant avec les yeux ouverts. Qu’il trouve toujours un refuge quand il est en route ! Qu’il écrive au moins quelques mots avec la craie : dans la rue, même s’il pleut ! Il raconte d’une manière tellement fascinante. Quelle chance.
« Objets sous forme de tableaux en papier et en couleur »
Texte: Hermann Wiesler, Berlin, 1998 ► télécharger
Traduction: Sibylle Klingenberg, Bonn
Des morceaux de papier à la cuve, travail manuel, plaqués sur une toile, par-dessus plusieurs couches de couleurs à l’huile - voilà les éléments constitutifs des travaux sur du papier, faits par Christian Heinrich.
Ces objets sous forme de tableaux apparaissent naturels par leur propre identité; ils donnent l’aspect d’une matière préparée. Rien n’est peint d’une manière concrète. Aucune matière n’est perceptible. Les travaux sont particulièrement solides: Les formats, relativement petits, pèsent lourds dans la main; les valeurs des couleurs, presque diffuses, apparaissent pourtant intenses et reflètent avec insistance leur propre luminosité.
Le hasard et la planification se réunissent lors du travail. Le peintre colle des morceaux de papier, de plus en plus petits, sur la toile rectangulaire. Ces morceaux de papier - à la cuve, japonais ou en soie - sont fragmentés d’une manière irrégulière et arbitraire. Normalement on met les plus petits morceaux sur les plus grands à l’aide d’une colle ou d’un adhésif plastique. Cette composition sans couleur exprime une tension de la sur-face, s’approchant et s’éloignant du bord. Elle se divise en cinq ou six couches.
Même pendant ce montage, Heinrich ajoute au relief du papier la couleur à l’huile avec la spatule, dans le but de glacer d’une part et de couvrir d’autre part. La spatule et aussi le pinceau sont larges. Le peintre met des accents, par les concentrations et les dilutions de couleurs, mais il est tout sauf un miniaturiste qui se livre à des subtilités vétil-leuses.
La toile brute, les papiers collés augmentent encore le caractère de relief que la force de la couleur supprime de son côté. Les couleurs sont dispersées en largeur. Les tons en bleu, en beige dans de nombreuses nuances, difficiles à discerner, sont complétés ensuite par des dégradés de couleur blanche ou grise. La surface du tableau, entière-ment peinte, produit une impression rugueuse. La couleur évoque le calme même en offrant un résultat rentré et contemplatif, elle reste toujours vive; elle est tout sauf pas-sive malgré son calme atténué qui lui est propre.
On peut relever immédiatement l’interdépendance entre le travail de la main et celui de la pensée au cours du processus créatif. Il existe des applications spontanées du papier et aussi de la couleur, mais tout est contrôlé; Heinrich se sert de morceaux de papier, pourtant son travail n’est pas un art qui résulte à déchirer. Ses tableaux qui - de loin - peuvent faire penser à ceux de Wols ou de Michaux sont construits d’après les règles d’un jeu spontané et bien contrôlé. Pas d’enivrement, du sang-froid sûr et équilibré. C’est justement ce fait qui assure aux objets une vibration inactive, une agitation cachée. Il s’agit alors de mouvements plus tranquilles et intenses en comparaison avec ceux qui prédominent dans la peinture tourmentée: celle-ci joue sur l’ instant - chose qui donne tout à fait du sens - tandis que Heinrich met l’accent sur la solidité. Bien que ses travaux ne rendent pas exactement le monde des choses naturelles, ils renferment pourtant en eux les souvenirs des murs étendus, de la lumière solaire brisée et reflétée par des pans, des fibres végétales qui semblent surgir du papier, morceau après mor-ceau, comme un palimpseste.
Une clarté diffuse se propage. Heinrich ne pourrait pas atteindre la force suggestive de ses valeurs dues aux couleurs mélangées en tant que peintre d’action ou pointilliste. L’effet de se concentrer sur le calme, de retirer l’agitation, donne aux tableaux une longue haleine, une vitalité énergique mais non dominante. Une impression particulière se dégage des structures intérieures, subtiles qui vont de l’une à l’autre et impliquent les concentrations d’une couleur déchirante et d’une large sonorité. En évitant les lignes dures, en recherchant le mélange des couleurs, l’artiste parvient à une certaine homogénéité malgré toutes les tensions entre la composition et les couleurs.
Heinrich exprime l’aspect diffus dans ses tableaux d’une manière réelle et concrète. Le matériel du papier et des couleurs est organisé sans un ton nébuleux, sans un pathé-tique suggestif. Ce n’est pas sans motif que l’artiste estime les oeuvres de Marc Roth-koh, Emil Schumacher, Fred Thieler - chaque artiste, chaque art a besoin de ses mo-dèles dont on doit pourtant se détacher et contre lesquels il faut travailler. Ainsi se ma-nifeste l’efficacité principale de l’art moderne, aussi chez Heinrich: l’effet puissant d’une couleur instrumentalisée par l’art sur un plan limité.
Même ses tableaux n’affirment rien, n’enseignent non seulement rien, mais ils sont consé-quemment aussi sans signification, ils ne se réfèrent à aucun fondement en dehors d’eux-mêmes. Ne compte que l’activité artistique. Celle-ci assure à chaque tableau sa propre valeur. A cause de cela, chacune de ses oeuvres provoque le spectateur qui doit faire vivre, en lui-même et pour son horizon visuel, les métaphores imagées.
Il manque la profondeur de l’espace et la perspective. Seulement des éclaircissements de couleurs imitent une étendue spaciale, marquent un horizon imaginaire et divisé. Le spectateur peut jouer avec ces phénomènes. Comme Heinrich élabore intensément le plan du tableau en le tournant de tous les côtés, la fixation du haut et du bas n’est pas toujours claire. Voilà une provocation supplémentaire pour le spectateur de définir alors le tableau pour lui-même. Comment cela se présente-t-il concrètement? Trois tableaux en donnent l’exemple:
Detail of View III, 1997
Deux papiers, posés l’un à côté de l’autre sur un troisième, font penser à une nature morte, représentant un livre. Les deux plans ressemblent à une page ouverte. Si l’on tourne le format oblong sur son axe vertical, de manière que le côté clair se trouve à gauche, alors le côté droit se penche vers le bord, et dans ce cas - suivant ma per-ception du tableau - l’équilibre du travail devient instable. Des tons gris, jaunes, blancs dominent. Des rayures, librement réalisées, unissent le centre avec le plan général en partant des bords “du livre” vers ceux du tableau. Comme chaque forme se définit par ses limites, la méthode de l’artiste se manifeste ici en faisant vibrer les nuances des couleurs vers les coins du tableau. Et ainsi celles-ci évoquent l’illusion de vouloir quitter l’espace pictural ou de s’y infiltrer.
Sense of Snow, 1997
Au centre du tableau est étalé un cône dominant le plan, fabriqué par un gros fil. Cette matière fine, organique se durcit par l’effet du traitement. Cela suggère qu’un élément, semblable à une fusée, s’élève ou descend avec aggressivité du ciel blême. Des doubles lignes de force l’accompagnent: Les unes se dressent impulsivement vers le haut; les autres se dirigent avec pression vers le bas. Il est absurde de spéculer sur la di-mension du “cône”. Le tableau n’est pas une miniature. Il montre comment Heinrich réussit à atteindre une monumentalité imaginative sans grand effort.
California Highway, 1998
De la mousseline, couleur de rouille, simule le ciel sur un horizon élevé. Le large désert sans fin et sans perspective, pas de végétation, du sable, des fentes sèches. Les tons de couleurs sont mis au milieu en jaune, en brun; la couleur rouille pourpre en haut, le gris noir en bas, ces tons permettent aussi de se rappeler un voyage à toute vitesse, passant devant un mur qui se manifeste sous un jaune brun imprécis.
Ce n’est pas nécessaire de rechercher un sens ou une mystification. Les tableaux de Christian Heinrich ne renferment pas de fondement solide qui soit accessible comme dans la littérature ou les anecdotes. Ses peintures s’ouvrent à une vue offensive.
« Quelque chose d’inattendu naît comme une recette de cuisine ! » ► télécharger
Texte : Alexandra Beusterien, Septembre 2006, Berlin
Traduction: Sibylle Klingenberg, Bonn
Depuis toujours il était un enfant qui aime découvrir et bricoler, mais surtout « un enfant sans talent artistique ». C’est pourquoi sa mère intervenait parfois pour l’aider à dessiner quand il s’agissait des devoirs d’arts plastiques. Seulement au lycée il dessinait avec son professeur d’art au Zoo de Berlin et au Jardin botanique suivant la demande: « Alors, aujourd’hui nous faisons un tableau de la forêt équatoriale! »
Ses premiers travaux montrent encore des traits politiques. Ils reflètent surtout l’atmosphère de décadence sociale des années 1980. Des sujets impopulaires – par exemple des expériences avec les animaux et la destruction grandissante du monde extérieur – ont été représentés d’une manière provocante. Avec son réalisme critique, ses tableaux semblaient vouloir choquer le spectateur avec des couleurs criardes: « Veillez à ce qui se passe, traitez le monde extérieur avec précaution! » Plus tard se développait la connaissance que la misère concentrée provoque l’aversion et la distance des spectateurs «. Je ne pouvais pas continuer avec la destruction. J’avais l’intention de conduire les gens à l’observation et non à détourner les regards. Je voulais démontrer une vue positive aux spectateurs ». Une vue éloignée de la résignation traumatisante et approchant l’affirmation positive du tableau.
Pendant les années 80 les premiers montages sont composés par du papier journal. Puis il y avait des collages sur fond de sable, vers les années 90 suivaient des collages en papier à la cuve, à la soie, au papier japonais; en 1999 enfin paraissaient des reliefs sur bois. Son séjour à New York en 1995 marquais un tournant de fascination pour le papier: Le peintre découvrit « L’Eldorado pour les admirateurs de papier », c’est-à-dire un magasin qui offrait une multitude de différents papiers quelques uns structurés comme la peau humaine, d’autres ressemblant à l’écorce. Chaque morceau de papier dont il se sert dissimule une histoire. L’usage du papier indique l’intention globale de l’artiste: les collages en papier parlent un langage uniforme et compréhensible dans le monde entier. A la maison, à Berlin, l’artiste collectionne ses souvenirs de voyage: sous différentes sortes de largeur. Des fois ces matériaux attendent pendant plusieurs années pour être réactivés. Bien classés et propres – ainsi des montagnes de papier s’accumulent dans son atelier. Evidemment on peut voir la main ordonnatrice de l’ancien étudiant d’archéologie! Heinrich se caractérise comme individualiste depuis sa première jeunesse, et même actuellement il travaille toujours seul et surtout chez lui. Créer en commun… inimaginable!
Les morceaux de papier sont souvent déchirés irrégulièrement et sont collés avec une espèce de colle naturelle ou synthétique. Pour appliquer la couleur à l’huile l’artiste procède comme un maître parfait, même les bouts du papier à la cuve sont appliqués couche par couche sur la toile couverte après par une couleur très liquide. Le jeu des papiers différents amène une surface discrète. Des matériaux grossiers ou organiques invitent à les toucher, ils rappellent la structure des lichens, des roches délitées et des fentes dans la terre sèche.
Ses œuvres sont abstraites. Aucun objet est représenté d’une manière concrète, pourtant on trouve un rapport figuratif: souvent des paysages, même des sites urbains peuvent être découverts. Ce qui est frappant c’est le style surtout géométrique avec lequel les rues poussiéreuses et les coins anguleux du Cap sont représentés. Pourtant des formes parfois amorphes surgissent pour suggérer la présence incertaine humaine. Les couleurs se présentent d’une manière calme restreinte: des couleurs bleues de toute nuance, des tons de couleur terre, des tons blancs et gris. Ils reflètent le calme et l’équilibre; sans doute une préférence de Heinrich pour les formes carrées colorées de Marc Rothkos.
Entre 1995 et 2001 Heinrich entreprend de larges voyages à New York, au sud-ouest des Etats Unis, en Turquie et fait un long séjour au Cap de l’Afrique du Sud. Tels sont les « collages africains » qui reflètent la force originale du continent noir. Ses plans tranquilles semblent vibrer sous le soleil africain. On a l’impression de percevoir sous la lumière du soleil des bouts de murs, des rues pleines de poussière, des rebords anguleux de cabanes. Pourtant de grands espaces d’interprétation ont de la haute importance pour Heinrich. Des souvenirs personnels de l’Afrique incitent le spectateur. Les expériences sensuelles de Heinrich lui sont nécessaires: p.e. des odeurs, quelques traces effacées de souvenir, des résonances de sons servent comme initiative de peinture. Il est important d’avoir le loisir d’absorber les impressions pour les réaliser en huile ou sur du papier fin dans son atelier «. Tout à coup quelque chose d’inattendu naît comme une recette de cuisine ».
La critique (1992-1999) ► télécharger
Traduction: Sibylle Klingenberg, Bonn
« Il n’y a pas seulement les surfaces magiques en papiers retouchés qui font penser aux murs lézardés ou aux ruines, mais aussi les images qui concernent la mesure du temps qui est définie par la transformation ».
Kaus Zimmer, Deister- und Weserzeitung, 28.10.1992
« Dans les oeuvres les plus récentes le plan du tableau semble s’étendre et est mainte-nant le centre que l’on découvre de l’intérieur. Et la base de la toile représente l’exté-rieur. Tous les matériaux fragmentaires sont intégrés dans l’ensemble du tableau. L’étendue agrandie fournit un refuge, admet des recherches et des promenades et mon- tre toujours des ouvertures, des perspectives. Il semble nous laisser le temps de traver-ser. Tout respire le grand calme ».
Iris Billaudelle, Mars 1993
« Le spectateur peut constamment découvrir la joie qui se trouve cachée et pourtant évidente dans le matériel, la joie qui joue avec toutes sortes de papier différent et avec le glacis transparent des couleurs. Les tableaux correspondent à la sensualité du gour-met: des compositions inattendues d’une sève spéciale ».
Klaus Zimmer, Deister- und Weserzeitung, 16.4.1996
« Conforme à l’histoire et à la nature qui s’usent, de même l’artiste soumet ses travaux à un processus de vieillissement. Plein d’attention, il va à la recherche de traces: il trouve des contes, des événements, des rocailles rongées par le temps, des lichens moussus, des fentes et des crevasses dans la terre sèche; il les utilise comme une métaphore de la mort, en sachant à jamais qu’une vie nouvelle la suit ».
Helga Köbler-Stählin, Passagen Mai 1997
« Surtout, il est très important pour lui de ne pas produire une chose quelconque. ’L’idée politique dans l’art m’est significative, aussi aujourd’hui, même si cela ne se révèle pas du premier coup’, dit Heinrich. Mais il veut la transmettre d’une manière subtile. Les tableaux doivent graver des impressions positives et donner des impulsions à la réflexion ».
Thomas Brückelmeier, Die Rheinpfalz, 5.9.1997
« Heinrich évite de forts contrastes dans les oeuvres récentes; on a l’impression qu’il aspire à une peinture ton sur ton appliquée sur des plans calmes. Ceux-ci dégagent des idées de paysages qui sont en même temps des régions imaginaires, disparues et per-pétuelles: du passé en pierre et en terre comme projection d’une nostalgie mélan-colique. Les couleurs ont une profondeur qui fait penser aux anciens maîtres.”
Heike Marx, Die Rheinpfalz, 17.9.1997
« Mettre les choses au point, d’en tirer l’essentiel : voilà l’intention de Christian Heinrich. Sa recherche des formes originales et intemporelles aussi bien des motifs archétypiques résulte de ce point de vue parce qu’ils évoquent en chaque personne le souvenir in conscient et suscitent des effets de reconnaissance ».
Dr. Andrea Goesch, Wiesbaden, Août 1998
« Voilà qu’une structure de grille couverte de patine brune éclate et une masse encore difforme mais mystérieusement luminescente se dégage. Dans l’abstraction on découvre facilement une métaphore faisant allusion aux structures forcées de l’Est et de l’Oust de Berlin qui s’ouvrent à tous égards depuis la réunion ».
Veit Stiller, Die Welt, 21. Décembre 1998
« Une netteté cristalline et des contrastes de couleur pareilles aux ailes des papillons varient avec des plans terreux, amorphes, mousseux ou finement structurés. Quelques objets ou évènements se détachent souvent d’un arrière-fond neutre, mais jamais secondaire. En toute statistique se manifeste un mouvement continuel ».
Prof. Dr. Wilhelm Gauger, Décembre 1999
« Christian Heinrich ne se sert pas seulement du papier comme matériaux de base dans ses travaux. Le papier est un élément direct de formation. A l’égard de ses paysages et de ses formations rocheuses on a l’association à des régions d’ âme où l’impression extérieure varie avec la sensation et le souvenir ».
Dr. Helmut Orpel, Art Profil (Kunstmagazin), Décembre 1999